Comité d’experts pour une politique des langues d’oïl à l’intention des Conseils régionaux concernés

Document de travail du Comité d’experts pour une politique des langues d’oïl (CEPPLO

à l’intention des Conseils régionaux concernés

12 constats et 12 propositions
2019

Constats et analyses
C1-
Les Langues d’oïl sont jusqu’à présent très insuffisamment prises en compte au niveau national. Elles n’ont pas attendu le rapport Cerquiglini de 1999 pour exister, évidemment. Une abondance de travaux scientifiques, anciens et récents, ont fermement établi leurs réalités, par ailleurs très différenciées. Ce rapport Cerquiglini constitue cependant un texte important pour la clarification concernant les Langues d’oïl .
C2-
La dénomination des Langues d’oïl reste objet, pour presque chacune, de débats et de questionnements assez fréquents dans le grand public, y compris le personnel politique, et même chez certains linguistes.
C3-
Le terme de « langue » s’applique variablement aux Langues d’oïl depuis plusieurs siècles, concurremment avec « patois » (comme c’est le cas de toutes les langues de France) et avec la dénomination particulière de chacune.
C4-
Les Langues d’oïl appartiennent au même groupe (galloroman) que le français standard, ce qui détermine certaines proximités de formes, entre elles et avec le français. Cela favorise les mélanges de réalisations et la perception très variable de leur spécificité – par ailleurs phénomènes très répandus entre toutes sortes de langues.
Comme pour d’autres langues régionales, des corrélations sociales anciennes – « langue de paysans » ou « d’ouvriers » –, restent ressenties, mais évoluent – en lien avec des sensibilités modernes comme l’écologie, etc.
C5-
La conscience de parler une langue spécifique est variable et lacunaire chez les citoyens de Langues d’oïl, peut-être plus qu’ailleurs. Elle semble cependant en progression.
C6-
Comme pour d’autres langues régionales, la langue est utilisée dans des occasions et fonctions plus restreintes que naguère ; les personnes qui communiquent ordinairement en Langues d’oïl dans la vie quotidienne ne sont plus aujourd’hui aussi nombreuses.
Les pratiques artistiques, festives, spectaculaires, rencontrent un succès constant.
C7-
Les pratiques d’écriture littéraire, individuelles ou collectives (ateliers, concours), contribuent à la vitalité et à la qualité des Langues d’oïl, et à la vie littéraire en général.
C8-
Les institutions de la République se sont depuis toujours montrées quasi étanches aux Langues d’oïl (appareil scolaire, administrations), ce qui diffère un peu de quelques autres langues de France.
Le monde culturel (salles, programmes, subventions culturelles) leur a depuis longtemps laissé un petit espace d’expression. Cet espace d’expression n’a guère progressé avec la multiplication des médias (radios, télés régionales, journaux).
La transmission par enseignement ne bénéficie quasiment jamais de fonds publics.
La sphère associative est le domaine quasi-exclusif d’activités concernant les Langues d’oïl.
C9-
Les Langues d’oïl, dans toutes leurs manifestations organisées, bénéficient de l’intérêt constant d’un public varié. Cette popularité est confirmée par toutes les enquêtes, là où l’on en fait.
Dotés de moyens moins modestes (pour l’instant ils sont associatifs, bénévoles, plutôt pauvres), ces évènements culturels prendraient vraisemblablement plus d’ampleur. Il serait dommage de laisser s’essouffler les mouvements associatifs et le bénévolat.
C10-
La préoccupation linguistique des Conseils régionaux de Langues d’oïl est très variable.
Dans plusieurs cas, elle est faible ou très faible. Dans quelques cas, elle est active et plutôt bien dotée : ces « bonnes pratiques » sont des précédents utiles à toutes.
C11-
Les personnels politiques régionaux donnent trop souvent l’impression d’ignorer à la fois les réalités des Langues d’oïl, et l’attachement que leur portent les populations, ou de les considérer comme négligeables. Une minorité d’entre eux donne des signes d’intérêt, variablement suivis d’effets concrets.
C12-
La définition même de ce que pourrait et devrait être une politique linguistique en faveur des Langues d’oïl nécessite une réflexion, qui, dans l’ensemble, n’est pas organisée actuellement au niveau régional, malgré des possibilités réelles, à ce niveau, de mise en place d’une politique linguistique.

Propositions
Principes

1- Les Conseils régionaux expriment clairement qu’ils ont conscience de leurs langues régionales d’oïl. Ils en font un de leurs dossiers pour une politique démocratique.

2- Ils les font étudier et décrire pour rencontrer l’intérêt du grand public.

3- Ils interviennent autant que possible pour faciliter leur transmission scolaire et para-scolaire.

4- Ils soutiennent les pratiques artistiques et culturelles qui les mettent en valeur.

P1-

Le CR exprime qu’il reconnaît la liste des Langues de France donnée par le Rapport Cerquiglini de 1999 comme la base de son appréhension des Langues d’oïl.

P2-

Le CR soutient l’organisation de colloques scientifiques et historiques sur les Langues d’oïl.

P3-

Le CR confie à des instances de son ressort, par exemple au CESR (Conseil économique et social régional) la tâche de faire le point sur la Langue d’oïl (qui le concerne) – en particulier par des enquêtes. Ces travaux, éventuellement inter-régionaux, font l’objet d’une large diffusion.

P4-

Le CR soutient le développement de manifestations artistiques et festives en Langue d’oïl.

P5-

Le CR demande aux structures régionales de soutien à l’édition l’ouverture d’un dossier permanent sur l’expression écrite en Langue d’oïl.

P6-

Les institutions culturelles régionales sont mobilisées en soutien à la culture de Langue d’oïl. Le CR se dote d’un coordinateur des actions culturelles en Langue d’oïl.

P7-

Le CR négocie avec le Rectorat la création de cours et activités en Langue d’oïl, dotés de moyens stables, dans les écoles publiques, en commençant par la formation des maitres.

P8-

Le CR suscite l’édition d’écrits utilitaires et informatifs en Langue d’oïl (notices touristiques, plaquettes sur des sujets divers…).

P9-

Le CR se donne un programme pluriannuel de soutien aux activités associatives en Langue d’oïl.

P10-

Le CR désigne en son sein un élu (au moins) référent des actions concernant la Langue d’oïl, appuyé sur un personnel administratif.

P11-

Le CR débat publiquement en son sein de la politique à mener quant à la Langue d’oïl. Il propose à ses membres l’information nécessaire.

P12-

Le CR suscite l’édition et la diffusion d’ouvrages de vulgarisation sur la Langue d’oïl.

Annexes : Composition et méthode de travail du Comité d’experts.

- Composition du CEPPLO

Angoujard J.P., Professeur émérite, Université de Nantes

Bing Jean-Baptiste, Dr en géographie (Université de Genève), Dir. Maison du Patrimoine oral de Bourgogne

Brasseur Patrice, Professeur émérite, Université d’Avignon

Dourdet Jean-Christophe, Maitre de Conférences, Université de Poitiers

Dumas Françoise, Maitre de Conférences Honoraire, Université de Bourgogne à Dijon

Eloy Jean-Michel, Professeur émérite, Université d’Amiens  (animateur du CEPPLO)

Gautier Michel, Président de Défense et Promotion des Langues d’Oïl

Hérault Catherine, Dr en musicologie, chercheuse à Tours

Jones Mari, Professeure, Université de Cambridge (GB)

Léonard Jean-Léo, Professeur, Université de Paris-Sorbonne

Massot Benjamin, Dr, lecteur de langue, Université de Tübingen (Allemagne)

Montreuil Jean-Pierre, Professeur honoraire, Université d’Harvard et d’Austin (USA)

Taverdet Gérard, Professeur honoraire, Université de Dijon

- Méthode de travail :

a) rédaction et consensus sur les constats

b) rédaction et consensus sur les propositions, formulées en relation directe avec les constats.

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