El piot Henri pi les càrabiréches

El piot Henri pi les càrabiréches

écrit avec les mots d’Harcigny

Quante il éteut pio, i n’n’ aveut pos deux à-vala conme Henri. Djà dans s’berce, i n’ bréyeut pas, il esséyeut d’és seuver pour li aller al pèque à cabots ! Dré qu’il a su aller dans san cadot, il a commencé à n’en faire woir à s’mére. Tous les jours à midi, i buqueut avec és cuÿère dans s’n’ écwelle éd badrée, pi ça cliffeut à-vala, du coeup s’ mére ale érlocteut du matin au soir. Pi l’verra, il a su marcher ! I n’penseut pu qu’à grimper au guernier pour li aller manger des ponmes qu’on conserveut dans l’paille, mais l’galorieu, i j’teut les turons n’importe d’où. S’mére ale éteut d’ein sens contente pace san thio il éteut bin éfourdri ; mais ale éteut hodée d’ène n’awoir ein pareil ! Ale aveut beu yi dire qu’il alleut s’fère délanpon·ner ses loques pa les latuzés, li i penseut qu’és mère ale rabobichon·neut !

En vnant pu grand, pas core ein jin·nhieu, mais po lon, métons qu’il aveut dix ans, i s’emberdouilleut dans s’chambe. Ein beu jour al nuit, il a résout d’aller à l’pèque à guérnouilles. Il a attendu qu’és pére pi s’mére is ronfent, pi il a passé pa s’ fénète, en s’ratnant au balossié qu’éteut à côté d’és fénète. Il a té dans l’cafournhieu, il a pris ein·ne malète, ein cudlou pou faire dél leume pou ratirer les guernouilles, pi ein viu boujon d’chaise pou li buquer su leu gon·nèle. Pi él vla parti du coté dél rivière.

Ilà, il a épalveudé ein thio cochon-gland, mais li oussi il a été épanté. I commenceut en pusse à faire frwo. Pi i s’a empierjé dans des éronces, pi i s’a fait manger à moustiques, ça l’gravouilleut tout partout. Pi enfin, il a commencé à n’n'attraper ein thio peu des guérnouilles. Des qu’is étiaient en cabalo, pi des eutes qu’étiaient ratirées pa l’cudlou. Mais i ramasseut pusse éd bréles équ’ des guérnouilles ! Ça, des brèles, i n’n’ aveut à bourbille ! mais les guérnouilles ales s’aviaient muché.

Vlà qu’i commenceut à awoir ses zius clabeus quante il a entendu un co au lon, du coté d’Banciny, pi en pusse, i s’metteut à pluviner. I falleut qu’i s’en rvasse. Il a ramoillé tout s’fourniment pi i s’a enralé à s’ maison. El piot galapia, il aveut attrapé sisse-sète guérnouilles, ptéte même équ’ c’éteut qu’des corasses ! Il pluvioteut d’pusse en pusse. Il arriveut à côté d’és maison. Pou woir, il a clichté, mais l’porte ale éteut frumée. I falleut qu’i rmonte pa l’balossié. El piot fouldrouille, en grimpant, il a tumé s’ malette pi ses guérnouilles avec, mais l’pusse pire, c’est qu’en rapprochant d’és fénéte, il a vu qu’c'éteut plein d’ càrabirèches !

Vous n’n'avez-ti djà vu, vous eutes,  des càrabirèches ? Eh bé, c’est dés béstiôles conme él diâbe. Ales grimpiaient à s’fénête : pu moÿin d’rentrer !

C’est là qu’i s’a dit qu’és mére a’ n’aveut pos dit des càranbistouilles : les càrabirèches, ça existeut vraiment. A’ y’y’ aveut qu’i d’s'en déméfier, qu’ale viendriaient si i n’dormeut pas… ales l’attendiaient ! Quo qu’il alleut faire no pove Henri ? Il éteut gourgeant d’ieu. I resteut ilà, agrinchèi, il essayeut d’amilloter les bestiôles, mais is montriaient leus dents !

Tout d’ein coeup, i s’a mis à braire conme ein·ne cabe. Les carabirèches is ont été épantés, télment qu’Henri i bugleut ! Is ont couru dans leus creutes, pa-dzou les vérnes. No thio vente-à-chou il a rentré dans s’chambe, il a frumé s’fénète, ratiré ses ridieus, i s’a déhouillé, pi i s’a aniché pa-dzou ses couvertes. I n’a pos dormi du restant dél nuit. I n’él-l a jamais dit à s’ mère, mais à s’n age, i n’n'a core peur dés càrabirèches, amon !

I m’él-l a dit !

Traduction :

Le petit Henri et les carabirèches[1]

A Henri Briquet

Quand il était petit, il n’y en avait pas deux comme Henri dans les environs. Déjà au berceau, il ne pleurait pas, il essayait de se sauver pour aller al péque às cabos[2] ! Dès qu’il put se tenir dans sa chaise haute, il commença à en faire voir de toutes les couleurs à sa mère. Tous les midis, il frappait sa cuillère dans son assiette de bouillie, ça éclaboussait tout à la ronde, ce qui obligeait sa mère à passer la serpillière à longueur de journée.

Puis l’véra[3] a su marcher ! Il ne pensait qu’à monter au grenier pour manger des pommes qu’on y conservait dans la paille ; mais le voyou jetait les trognons n’importe où. Sa mère était, dans un sens, contente que son petit fût bien éveillé, mais elle était épuisée d’en avoir un de la sorte ! Elle avait beau lui dire qu’il allait se faire déchirer les vêtements par les latuzés[4], lui pensait simplement que sa mère radotait !

En devenant plus grand, pas encore adolescent, mais presque, disons qu’il avait dix ans, il s’embêtait dans sa chambre. Une nuit, il décida d’aller à la chasse aux grenouilles. Il attendit que ses père et mère ronfle, et il est passé par la fenêtre de sa chambre, en se tenant au prunier qui avait poussé pas loin de cette fenêtre. Il alla dans le cagibi, il prit une musette, une lanterne pour attirer les grenouilles, et un vieux barreau de chaise pour leur frapper sur la tête. Et il partit du côté de la rivière.

Arrivé là, il a effrayé un petit sanglier qui a son tour lui fit peur. De plus, il commençait à faire froid. Il se prit les pieds dans les ronces, il se fit dévorer par les moustiques, ça le démangeait partout. Enfin il commença à attraper quelques grenouilles. Certaines qui étaient en couple, d’autres attirées par la lanterne. Mais il ramassait plus éd bréles[5] que de grenouilles ! Des bréles, ça ne manquait pas mais les grenouilles s’étaient cachées.

Ses paupières commençaient à s’alourdir quand il entendit le coq, au loin, du côté de Bancigny, de plus il commençait à bruiner. Il fallait qu’il retourne chez lui. Il a rassemblé tout son matériel et il est reparti. Le petit garnement avait attrapé six ou sept grenouilles et peut-être même n’étaient-ce que des rainettes ! La bruine devenait plus intense. Il arriva près de chez lui. Sans y croire vraiment, il a actionné la poigné de porte, mais elle était fermée. Il fallait qu’il remonte par le prunier. Le petit maladroit, en grimpant, renversa sa musette et avec elle les grenouilles, mais il y avait pire ! En approchant de la fenêtre, il a vu qu’il y avait là plein de carabirèches . En avez-vous déjà vu, vous, des carabirèches ? Eh bien, ce sont des bestioles comme le diable. Elles escaladaient la fenêtre : plus moyen de rentrer !

C’est alors qu’il pensa que sa mère ne disait pas que des mensonges : les carabirèches existaient vraiment. Elle lui avait bien dit de s’en méfier, qu’elles viendraient s’il ne dormait pas… elles l’attendaient ! Qu’allait donc pouvoir bien faire notre petit Henri ? Il resté là, perché sur son arbre, il tentait d’amadouer les bestioles, mais elles montraient leurs dents. Soudain, il se mit à pleurer comme une chèvre. Les carabirèches furent effrayées tellement Henri beuglait ! Elle coururent dans les anfractuosités leur servant de refuge, sous l’avancée du toit. Notre petit Ventre-à-choux[6] rentra dans sa chambre, ferma sa fenêtre, s’il en avait eu il aurait tiré ses rideaux, il se déshabilla, se recroquevilla sous les couvertures… mais il ne dormit pas  pendant ce qui restait de nuit. Il ne raconta jamais son aventure à sa mère, mais à l’âge qu’il a, il en a encore peur des carabirèches ! Il me l’a dit !

*

[1] Les carabirèches sont des êtres fantastiques chargés de faire peur aux enfants qui ne veulent pas dormir ; [2] A la pêche aux chabots (petits poissons à grosse tête que les enfants s’amusent à pêcher) ; [3] le zouave, le lascar ; [4] êtres fantastiques vivement essentiellement dans les greniers, faisant tomber les enfants à travers le planche, et autres méchancetés ; [5] Herbes du bord de l’eau (berle) ; [6] surnom des habitants d’Harcigny

Les commentaires sont fermés.